Avec peu de moyens, sous-équipé, parfois tourné en dérision, pourtant habité d’un génie irrépressible, le cordonnier séduit, attire et satisfait une clientèle variée, à la recherche des produits durables et moins onéreux.
Rémy Fongang, jeune cordonnier, vient d’effectuer un nettoyage léger sur son dernier chef-d’œuvre. Une paire basse, commande de son client papa Norbert, un homme très généreux, mais exigeant, qui habite non loin de l’atelier, situé au Carrefour INSTIC, vers Neptune Kondengui à Yaoundé. D’après ses voisins, il a vu en Rémy un grand artiste, aux multiples talents. Par ses commandes régulières, il encourage le jeune homme qui est bien conscient de son savoir-faire. « Je répare les chaussures ; j’en fabrique aussi. Un peu avant votre arrivée, j’ai remis à neuf la chaussure d’un ami. Celle-ci, je l’ai fabriquée ; c’est la commande d’un papa du quartier. Il connaît la valeur des choses et fait bien de me faire confiance. »
Des prix abordables
Dans le métier, il est question de diligence, mais également de prix. La chaussure que Rémy présente, il lui a fallu une journée de travail pour la confectionner. Il en tirera vingt mille francs CFA, un prix de loin inférieur à celui des grandes marques importées. Malheureusement, au Cameroun, les clients font très peu confiance aux chaussures artisanales, pourtant durables. Ils préfèrent encore les chaussures venues d’ailleurs. « Mais les choses vont changer », espère-t-il.
Parallèlement à son activité de réparation et de confection des clés, il produit une dizaine de paires de chaussures par semaine. Des commandes préalablement enregistrées, qui proviennent d’horizons divers. Il a encore cinq commandes à livrer cette semaine. Il les exécutera minutieusement.
Malgré le coût des matières premières, Rémy s’en tire avec un léger bénéfice. Il importe le cuir, les semelles, et bien d’autres accessoires, en plus d’autres charges. Aîné d’une fratrie de cinq, il embrasse le métier à l’âge de 20 ans, peu après l’obtention de son certificat d’aptitude professionnelle (CAP). Il apprend pendant près de 10 ans aux côtés de son maître. Aujourd’hui, il est propriétaire de son propre atelier et peut s’occuper de sa sœur cadette et de l’un de ses deux enfants.
Une rude concurrence
L’activité subit une concurrence acharnée des produits étrangers particulièrement des marques chinoises et européennes. Les gros importateurs ne leur font pas de cadeau. C’est par tonnes que les chaussures, en provenance de France, d’Italie, de Dubaï ou de Chine, arrivent chaque jour dans les ports et aéroports du pays. Comme ils importent en grande quantité, ces commerçants proposent parfois des prix à la portée des petites bourses. La baisse du pouvoir d’achat aidant, beaucoup se ruent vers leurs magasins, au détriment des fabricants locaux. Les initiatives individuelles ou collectives, à l’instar de la collaboration entre les cordonniers, sont très loin d’être une solution à la hauteur du problème. Les pouvoirs publics devraient les aider dans cette rude bataille qu’ils essaient de mener, à armes inégales.
Une notoriété à établir
« Ce métier, a de beaux jours devant lui. Ce qui me manque, ce sont les moyens financiers, des machines modernes pour coudre et imprimer des designs, ce qui me permettrait de produire en masse. Je pourrais même créer des emplois…», affirme Rémy Fongang.
Ils sont nombreux, ces jeunes qui embrassent le métier de cordonnier. Certains de ses collègues, installés à un jet de pierre, trouvent également l’activité prometteuse, malgré de nombreuses difficultés. C’est le cas d’Amadou, cordonnier depuis 15 ans. Ses produits sont tout aussi variés que son imagination. Il fabrique des sandalettes et des chaussures. Selon lui,« l’activité se porte bien. Mais il faut des moyens pour se procurer le matériel et exporter ce que nous produisons. Nous produisons beaucoup de bonnes choses que nous vendons localement. Il faut qu’on nous aide à promouvoir cela et faire en sorte que les Camerounais consomment plus nos produits locaux. »
Yves Zembida