Kribi : Ces femmes qui font vivre la plage

Ngoyé, la fameuse plage de Kribi sur les berges de l’océan Atlantique, a vu, ces deux dernières années, le tourisme monte en flèche du fait de l’activité des petits commerçants. Cette activité a un impactsur l’économie locale, procure l’emploi aux jeunes et la subsistance aux familles démunies.

Ils partagent tous un passé difficile, jalonné de nombreux problèmes, notamment la pauvreté. C’est à contre-cœur que certains ont décidé de se lancer dans le commerce, d’abord dans leur quartier avant de s’installer ici.  C’est le cas de Julienne, d’Henriette etc. De vendeuse de poisson fumé dans son  quartier il y a trois mois, à « braiseuse », cette dernière, s’est installée sur le littoral comme la plupart de ses amies pour se faire un peu plus d’argent. C’est aux premières heures du jour, avec l’arrivée des pêcheurs que débute leur activité. Elles s’y rendent pour constituer leurs stocks de poisson frais, sorti droit de l’océan, et qui est vendu toute la journée. Henriette déroule son programme quotidien : « Je me lève autour de 6h, pour attendre les pêcheurs au débarcadère. Je vais ensuite faire un peu de propreté sur notre site. Nous n’avons pas de grande structure, mais nous faisons attention à l’hygiène. Je finis le ménage puis, je vais au marché. À onze heures, je commence à recevoir les clients jusqu’à 19 h .»

Dans ces mêmes débarcadères, certains jeunes chômeurs ont pu trouver un emploi. De loin inférieur à l’emploi de leur rêve, mais suffisant pour joindre les deux bouts. Ils sont payés à hauteur de 7000 francs CFA la semaine. Mais la plage offre bien plus de possibilités. Il y a des photographes, des vendeurs, des serveurs…Nombreux sont ces jeunes qui ont trouvé un emploi de serveur auprès des propriétaires de stands. Ils sont payés entre 10000 et 15000 francs CFA, selon les revenus de chaque commerçant. Dans ce milieu, Jean-Luc Mbarga, 24 ans et bachelier, s’en sort plutôt bien. Il travaille chez Rosine depuis bientôt un an. « Avec cet emploi, je loue une maison de 15000 francs ; je peux faire des économies pour préparer la scolarité de ma fille de 4 ans, et je m’occupe de moi-même. »

Un potentiel économique et touristique énorme 

De quelque lieux que l’on promène la vue, l’on est peu surpris par l’ambiance et l’effervescence qui prévalent ici. Des étales à perte de vue, des  visiteurs qui abondent, tables complètes, nourriture à foison. Ces femmes ont su capitaliser le site. Le menu proposé « poisson braisé » et boisson fraîche, attire des classes variées de personnes auxquelles le bord de mer, au vent allègre, offre une meilleure détente, loin des artifices des hôtels. « Les gens restent longtemps à la plage parce qu’ils s’assoient, mangent, boivent tout près de la mer, avec le vent qui les frappe en plein visage. Les gens aiment ça, en famille, seul ou entre amis. En plus, il y a des tentes. Quand il fait soleil ou s’il pleut, les clients s’abritent. Et puis, les prix ne sont élévés, avec trois milles francs, on mange et on boit », affirme Henriette.

En deux ans, l’activité a décuplé du fait de la mise en service du port autonome de Kribi ainsi que d’autres grands projets d’envergure dans le département, explique-t-elle : « Le développement du commerce ici, à côté de la mer nous donne à nous petits commerçants, la possibilité de vivre aussi décemment. Je peux avoir un bénéfice de vingt mille francs par jour, parfois trente mille. Avec ça, j’envoie les enfants à l’école. Je suis autonome en fait. Je suis dans une cotisation de cinquante mille par semaine. Donc commercer aide les pauvres comme moi, si on me chasse d’ici, c’est toute une famille qu’on envoie mendier. J’espère que ce n’est pas ce que l’Etat souhaite. »

En effet, la menace pèse sur ces vendeurs. La mairie pense qu’ils sont en infraction et veut les déloger. Peut-être conviendrait-il mieux d’encadrer leur activité…

Une concurrence acharnée 

Lorgnant cet important marché, certaines grandes enseignes de la ville à l’instar de COPACABANA se sont taillés des pans entiers de plage pour construire des restaurants chics et faire ainsi de l’ombre aux petits commerçants. Julienne trouve cette concurrence regrettable, ce qui ne manque de réveiller chez elle quelque élan de xénophobie : « les grandes entreprises viennent construire sur la plage ; certaines ne sont même pas camerounaises. Elles profitent de nos biens. Elles ne devraient pas être là ; on doit laisser la priorité au développement local. Avec le temps, on va s’améliorer. On crée même des emplois pour les jeunes désœuvrés. Les grandes structures s’installent ici parce qu’elles veulent nous remplacer. Or ce qu’elles proposent est cher et la majorité des gens n’ont pas les moyens de manger là-bas. » Il s’agit-là d’un véritable cri de cœur !

Yves Zembida

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